En RDC, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ainsi que l’ensemble des besoins multifonctionnels auxquels l’agriculture répond, reposent actuellement presque entièrement sur les systèmes semenciers paysans. L’industrie semencière officielle ou commerciale fournit actuellement une quantité négligeable de semences aux agriculteurs, et ce pour une poignée seulement de cultures, avec un nombre limité de variétés. Une grande partie de ces semences fournit l’industrie semencière de secours et les programmes de développement. L’avant-projet de loi et l’arrêté provincial passés en revue dans le présent document sont totalement inappropriés aux SSP, et si ces lois étaient appliquées, elles finiraient par détruire le secteur semencier en RDC, soit le système même qui alimente actuellement la nation. Étant donné que les agriculteurs vendent déjà leurs semences au sein même de leurs systèmes, il est important de s’assurer que ces semences soient exonérées de toute certification et des dispositions de cette législation. En plus de quoi, toute loi semencière doit reconnaître les semences paysannes et les systèmes semenciers paysans, ainsi que fournir des garanties adéquates pour que se concrétisent pleinement et entièrement les droits des paysans au sein de lois traitant spécifiquement des droits paysans. A cet égard, l’article 2.a, dans sa forme actuelle, devrait être reformulé de manière significative. Il convient d’accorder une attention particulière à la formation de conseils provinciaux de semences et de remettre en question le pouvoir du secteur privé au sein de ces conseils. La législation issue de ces conseils semble être particulièrement draconienne et antidémocratique, le secteur privé se voyant attribuer des rôles exécutifs et administratifs importants. Il faut aussi noter que cet avant-projet de loi et cet arrêté provincial sont fortement influencés par les obligations et cadres régionaux d’harmonisation des semences et les forces vives qui façonnent les nouveaux régimes semenciers sur le continent. Bien qu’il n’existe pas de loi sur la protection des obtentions végétales ou sur la biosécurité pour le moment, ces processus devraient démarrer dans un avenir proche et devront être suivis de près, surtout toute tentative de baser toute nouvelle loi de protection des obtentions végétales sur l’UPOV 1991.
L’arrêté provincial du Sud-Kivu illustre à quel point Feed the Future et d’autres parties prenantes aux intérêts particuliers peuvent utiliser de manière conséquente et assez dérangeante le contact étroit qu’elles entretiennent avec les autorités et d’autres acteurs locaux. Le préambule fait état du chaos régnant au sein du secteur semencier formel au niveau local, où les individus du secteur semencier mèneraient leurs activités avec « amateurisme, improvisation et opportunisme (…) (conduisant) à la désarticulation du circuit de production et/ ou de distribution des semences dépourvues de toute certification de la qualité, d’une part, y compris l’impact négatif enregistré sur le niveau de production agricole et la paupérisation des vrais acteurs semenciers d’autre part » (Province du Sud-Kivu, n.d :1), appelant ainsi à la nécessité que le Conseil provincial (COPROSEM) intervienne pour assainir le secteur, coordonner la mise en œuvre des politiques et « défendre les intérêts des intervenants ». Il est souligné dans le décret que le COPRASEM est un cadre de consultation (multipartite) entre les acteurs des semences des secteurs public et privé. Il doit être financé par ses membres, le gouvernement provincial et les partenaires internationaux et nationaux intéressés à promouvoir et à appuyer le secteur semencier. Le secteur semencier est ainsi directement impliqué dans la gouvernance, la politique et la prise de décision en matière de semences. Le président de l’organe de coordination du COPROSEM est l’inspecteur provincial de l’agriculture. Il travaille avec un premier et un deuxième vice-président, tous deux issus du secteur privé un représentant élu des agri-multiplicateurs et un représentant des grands concessionnaires agricoles. L’assemblée générale est composée de sociétés semencières, d’agri-multiplicateurs, d’organisations d’agriculteurs, d’instituts de recherche, d’universités et de partenaires techniques et financiers. Le COPRASEM est déconcentré au niveau territorial, où chaque conseil territorial sera composé de l’inspecteur territorial de l’agriculture avec deux représentants des agriculteurs, des vice-présidents et un rapporteur. Les relations entre les organes provinciaux et territoriaux et les pouvoirs des conseils territoriaux au sein de cette structure ne sont pas clairement définies. On ne sait pas non plus s’il y a une pondération au sein des membres de l’assemblée générale ou quels sont les pouvoirs dont ils disposent au sein de la structure. On ne sait pas non plus comment on devient membre du COPRASEM du Sud-Kivu. Cependant, le Conseil provincial des semences est doté d’un grand pouvoir – l’article 9 stipule que « les activités de quelque nature que soit, y compris la passation des marchés publics ou privés dans le secteur semencier, ne sont valables qu’après avis conforme du Conseil provincial de semences ». En outre, seuls les producteurs de semences, les multiplicateurs de semences et les négociants en semences ou les agro-leaders, membres du COPROSEM, et agréés par le SENASEM ; sont habilités à commercialiser les semences. Une amende de 100 à 10 000 francs et une peine de trois mois à deux ans de prison ou une de ces peines peuvent être infligées. Les pouvoirs du COPROSEM sont encore plus étendus, y compris en ce qui concerne les semences qui peuvent être importées : quiconque s’approvisionne à l’étranger, « sauf si le besoin n’est pas satisfait par les producteurs locaux, sans obtenir l’avis favorable et préalable de COPROSEM, après examen de cahier des charges y afférent, est puni d’une amende allant de 30.000 à 100.000 FF. »
Enfin, le FCPEEP RDC suggère au Ministère National, provincial, à l’INERA et SENASEM de :
- Établir une cartographie des acteurs œuvrant dans la filière semencière ;
- Vulgariser les instruments juridiques qui régulent la filière semencière ;
- Mener des études en vue de déterminer les besoins en semences de base ;
- Formuler des propositions auprès des autorités sur les politiques et orientations à prendre pour un meilleur développement du secteur semencier ;
- Améliorer la qualité des prestations des services des acteurs intervenants dans la filière ;
- Recueillir les doléances des opérateurs qui interviennent dans la filière semencière et les accompagner pour l’obtention des issues favorables à leurs doléances. Pour plus de détaille, lire la publication de l’avant-projet loi sur le système semencier paysan de la RDC sur le site internet du FCPEEP RDC
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